Le travail est-il soluble dans la quête de sens (et inversement) ?

sens au travail

"Voilà donc les entreprises, qui n’ont pas été conçues pour satisfaire les attentes quasi spirituelles de leurs salariés mais pour produire et distribuer de la richesse, tenter de devenir des citoyennes vertueuses. "

Par Laurent Moisson, co-fondateur Les Déviations et des FFI. Historien, entrepreneur, et conférencier. Ce texte a été publié dans le premier numéro du magazine Les Déviations qui est toujours en vente via ce lien.

Le travail étant la principale occupation de nos vies, la sphère professionnelle n’est pas épargnée par la quête de sens. Les progrès considérables qui se sont produits en son sein ces dernières décennies, tant sur les rémunérations que sur l’organisation et les conditions, ne l’ont pas mis à l’abri d’une profonde remise en cause : il n’est plus vu comme un simple gagne-pain. Par ailleurs, la disparition rapide de la séparation entre vie professionnelle et vie personnelle (on travaille à la maison et on amène ses réseaux sociaux perso au bureau) entraîne l’application de valeurs privées au monde professionnel : l’engagement sociétal, politique, éthique, s’invite dans l’entreprise, l’obligeant à se mêler de ce qui ne la regardait pas jusqu’alors, venant questionner ses fondements, ceux de l’activité économique en général, du management ou du leadership.

“De nombreux cadres ne comprennent plus l’utilité de leur métier”

Il est même étonnant, dans une civilisation qui revendique par ailleurs un meilleur équilibre vie privée/vie professionnelle et qui refuse chaque année un peu plus fort de n’être considérée que pour son travail, de voir à quel point nous attachons de l’importance à la capacité de ce même travail à nous définir aux yeux des autres. Pas de la même façon que jadis, certes, mais nous définir quand même : notre métier établissait précédemment nos postures sociales (je suis cadre ou ouvrier), aujourd’hui il conforte nos postures éthiques ou politiques (je travaille dans une entreprise engagée sur tel sujet).

En attendant, paradoxales ou pas, de nouvelles attentes en matière de sens touchent indéniablement les entreprises. Elles arrivent à un moment où l’augmentation de la taille de ces structures et leur transformation permanente ont largement complexifié les organisations, parfois même jusqu’à l’absurde. Chez les cadres surtout, nombreux sont ceux qui ne comprennent plus l’utilité de leur métier, ce qui représente un facteur de démotivation préoccupant.

Les entreprises s’essaient à la définition de leur « raison d’être »

Certains recruteurs l’ont compris et considèrent la montée de l’engagement sociétal de leurs salariés comme une opportunité pour remobiliser ceux qui ne le sont plus. Alors, pour rester attractives aux yeux de leurs futures recrues, les entreprises s’essaient à la définition de leur « raison d’être » et à la mise en place de politiques RSE (responsabilité sociale des entreprises).
Voilà donc les entreprises, qui n’ont pas été conçues pour satisfaire les attentes quasi spirituelles de leurs salariés mais pour produire et distribuer de la richesse, tenter de devenir des citoyennes vertueuses. Et, au vu des errements de la plupart d’entre elles sur le sujet, on peut constater que l’opération n’est pas si simple.

Car, trop souvent, ces bonnes intentions ont occasionné une véritable cacophonie morale qui, alors qu’elles souhaitaient créer du sens, ont fini par en détruire. Trop de causes à défendre, engendrant trop de comités de pilotage et d’organes transverses, eux-mêmes dotés de leurs propres systèmes de reporting… Le moral des managers, qu’on voulait pourtant protéger par ces politiques, finit souvent par être atteint, avec des réunions qui s’enchaînent et n’en finissent plus.

Toutes les entreprises peuvent tirer leur épingle du jeu

Heureusement, à force de tâtonnements, certains employeurs sont parvenus à trouver la formule qui passe souvent par la mise en avant d’un rôle sociétal moins ambitieux mais plus réaliste (non, l’invention d’une brosse à dents en bois ne va pas sauver la planète) et par la valorisation également de métiers plus concrets, plus traditionnels, plus manuels dont les heureux praticiens peuvent contempler tous les jours le fruit de leur travail, plutôt que de se demander si leur action et leur présence en réunion sert véritablement à quelque chose.

Et, même si les attentes des salariés ont largement évolué ces dernières décennies, toutes les entreprises peuvent tirer leur épingle du jeu. Les histoires de cadres de grands groupes quittant leurs zones de confort pour se lancer dans de vieux métiers sont parmi les plus belles que nous ayons diffusées sur nos réseaux. Elles témoignent d’une rapide revalorisation des activités à savoir-faire traditionnel face à des métiers de cadres beaucoup moins à la mode que précédemment. Elles ne sont pas pour autant les plus fréquentes ni les plus heureuses : ces déviations professionnelles sont parfois des échecs, et bien des entrepreneurs reviennent à des métiers plus classiques, une fois l’expérience menée.

De même, certains profils qui pensaient ne jamais être recrutés par de grands groupes sont aujourd’hui prisés par ces structures qui cherchent plus de diversité et des comportements plus entrepreneuriaux, afin de destiner ces profils à des schémas de carrière aussi riches qu’inattendus. Si l’entrepreneuriat et les petites sociétés connaissent un engouement certain, le modèle des grandes firmes n’a pas dit son dernier mot.

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