Episode 2 – Chronique d’un entrepreneur néorural

Nous aurons la victoire parce que nos causes sont justes et que nous nous battons comme des lions

Je sais que ce sentiment ne durera pas, mais il est là.

Aujourd’hui je me sens invincible.

Je sais que ce sentiment ne durera pas, mais il est là. Puissant.

J’ai embrassé ma femme et j’ai pris mon train en courant, laissant derrière moi les problèmes en souffrance qui sont le lot des entrepreneurs par temps de crise. 

Oh, je sais bien qu’ils m’attendront, profitant de mon absence pour s’épaissir un peu. Ils ont ceci d’épuisant qu’ils ne prennent jamais l’initiative de disparaître d’eux-mêmes. 

Les dangers gagnent en puissance quand on les laisse en paix. 

Comme tous les êtres mal éduqués, ils ne comprennent rien aux non-dits. Malgré le mépris, la tristesse ou la colère qu’on peut leur manifester, ils demeurent.

C’est toujours la même chose. Chaque fois que je lance un projet et jusqu’à son âge adulte, ils s’accumulent. J’en traite beaucoup. Je leur fais face, je les enjambe, je les attrape et leur tords le cou. Mais comme les méchants dans les histoires fantastiques, deux naissent quand j’en élimine un. 

Je le confesse, il m’est arrivé d’avoir envie de les fuir. Mais l’expérience m’a appris ce que les lâches font semblant d’ignorer : les dangers gagnent en puissance quand on les laisse en paix. 

Ils ne se traitent que de face, immédiatement, sans détail ni compromis. Et, de toute façon, si je tentais de leur echaper, ils me rattraperaient. Ils courent tous plus vite que moi. C’est ainsi.

Alors je porte fier, je lève mon bras et je frappe sans relâche. 

C’est la nuit que je les entends le mieux. Ils viennent chuchoter leurs méchantes histoires et leurs noires prévisions. Ils tentent de me voler ce sommeil dont j’ai tant besoin pour garder la tête au clair. 

Moi lucide, ils savent qu’ils ne pourront jamais me mettre à terre. Car j’ai cette force en moi que m’a donnée ma mère. “Porte fier mon fils”, me répétait-elle encore dans son dernier souffle. Alors je porte fier, je lève mon bras et je frappe sans relâche. 

En la matière, je suis infatigable.

Je cours d’une équipe à l’autre, haranguant les uns, rassurant les autres, engueulant ceux qui n’ont pas compris que l’échec n’était pas une option. 

J’ai la tête pleine de belles pensées.

Car nous aurons la victoire, mes frères, mes sœurs. Nous aurons la victoire parce que nos causes sont justes et que nous nous battons comme des lions.

Ces dernières heures, alors que leurs voix sourdes ne cessaient de hanter mes songes, ils se sont tus. Un silence apaisant a fait place à leurs sifflements. J’ai bien dormi. Allez savoir pourquoi. Peut-être parce qu’un rien me galvanise et que le levé du jour a, sur mon moral, un incroyable impact. 

Les premières remontées de la mise en kiosques de mon magazine me laissent penser qu’il se vend bien. Mes amis, qui l’avaient commandé pour me faire plaisir m’en font l’éloge. Les retours du public et des journalistes arrivent et ils sont excellents. Cela me rend très fier.

Alors, si bien des choses ne sont pas réglées, si je sais que chaque instant de répit ne fait qu’annoncer la prochaine charge de l’immense coalition des emmerdements associés, j’ai la tête pleine de belles pensées.

Retrouvez cette “Chronique d’un entrepreneur néorural” dans le magazine Les Déviations.

Par Laurent Moisson.

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