Hélène Bengorine est la DRH de La Mutuelle Générale. Un des axes stratégiques du projet d’entreprise de la Mutualle Générale est d’adopter une nouvelle organisation du travail post COVID. Le dispositif nommé « Open Travail » assure flexibilité du travail aux salariés et sécurité d’une qualité de service aux adhérents.
Dans le cadre de l’évènement organisé par Les Déviations, le 7 mars au Rugby Club, Hélène Bengorine interviendra sur : l’évolution des rapports entre salariés et employeurs.

J’ai, en ce sens, vécu une déviation. Elle n’aurait pas été possible si toutefois les personnes qui m’ont reçue étaient exclusivement ouvertes à rencontrer des candidats issus d’une DRH.
Les Déviations : Quel est votre parcours professionnel ? Qu’est-ce qui vous a amenée à vous orienter ou à dévier vers les ressources humaines ?
Hélène Bengorine : En 1995, j’ai d’abord exercé une fonction de commerciale dans le travail temporaire chez RANDSTAT. Cela m’a permis de cerner le besoin organisationnel et de compétences de mes clients mais aussi d’identifier les candidats les plus à même de répondre aux attentes.
C’est à la suite de la naissance de mon premier enfant en 2006 et d’un emménagement en région parisienne que j’ai intégré l’enseigne Printemps en tant que chargée de recrutement en CDD. Cette expérience s’est finalement traduite en un parcours de 10 ans au sein de cette institution de la mode tant sur des fonctions supports RH (recrutement/formation/gestion des carrières) que des postes de RH généralistes et de conduite du changement.
Elle fut déterminante pour la suite et m’a beaucoup apporté professionnellement : appartenir à un CODIR, accompagner tant la ligne managériale que les salariés dans les attendus de leur fonction, participer à la structuration des équipes. Toutes ces activités m’ont fait comprendre la richesse des métiers de la fonction RH. L’esprit du service « commerçant » est encore très présent chez moi !
LD : Avez-vous déjà vécu une déviation ?
Hélène Bengorine : Passer d’un métier de commerciale à un métier RH me semble être l’exemple parfait d’un changement de trajectoire. J’ai, en ce sens, vécu une déviation et elle n’aurait pas été possible si toutefois les personnes qui m’ont reçue étaient exclusivement ouvertes à rencontrer des candidats issus d’une DRH. Ma volonté était forte mais, comme tout contrat, ceci n’est fructueux que si et seulement si les deux parties sont engagées dans la même voie.
« Je suis ravie de mon expérience au sein de la Mutuelle Générale Nous travaillons à organiser un équilibre entre activité économique et dynamique sociale ».
LD : Qu’est-ce qui vous plaît dans les ressources humaines ?
Hélène Bengorine : J’ai tendance à penser que nous, DRH jouons un rôle d’équilibriste, à savoir assurer le bon investissement social qui n’affectera pas l’activité économique mais la soutiendra. Ce jeu subtil ne se fait, bien sûr, pas seul mais en collaboration avec tous les acteurs de l’entreprise et encore plus avec la Direction Générale. Il n’est pas rare de croiser des DRH « coincés » dans une activité purement économique sans dynamique sociale … Il leur manque alors un pan de leur activité. Pour ma part, je suis ravie de mon expérience au sein de la Mutuelle Générale car nous travaillons tous à organiser l’équilibre entre l’économique et le social. L’autre élément-clé de la fonction RH est de comprendre comment fonctionne l’entreprise au travers de ces processus, outils et compétences. Nous disposons alors d’une vision transverse, très large. Parfois, nous mesurons que le défaut d’organisation pèse plus que le défaut de compétences.
LD : Quels sont les grands enjeux actuels et futurs de votre métier ?
Hélène Bengorine : L’enjeu premier reste d’assurer l’équilibre socio-économique de l’entreprise. Et cet enjeu s’amplifie du fait de la situation économique ambiante (inflation, crise de l’énergie …). L’autre enjeu est la nécessaire anticipation des compétences que nous nous devons de travailler au travers d’un investissement en formation constant. Les métiers se complexifient par une réglementation qui se renforce ; ils évoluent et se transforment par de nouveaux usages souvent alimentés par de nouvelles technologies. Si nous voulons conserver un temps d’avance, il nous faut rester en veille sur l’évolution des compétences .
L’autre enjeu, qui s’est installé depuis deux ans, se place en notre capacité à animer des équipes “hybrides”. Les managers intermédiaires sont les nouveaux héros d’une organisation qui se base sur une relation de confiance qu’il faut savoir entretenir. Et l’installation pérenne de cette relation de confiance s’opère au travers d’une relation équilibrée entre le rôle du manager et la place du collaborateur.
Il est nécessaire parfois de sanctionner les abus, de part et d’autre, pour rappeler que cette relation de confiance est le résultat d’une relation juste et équitable entre le collaborateur et son manager. Enfin, l’enjeu déterminant pour l’avenir de la fonction RH est la place que nous pouvons lui accorder. La fonction n’existe pas sans délégation de la Direction générale et, en ce sens, elle peut aussi influencer les choix de la DG. Nos responsabilités sont tant d’assurer la paye et la sécurité de nos salariés que leur avenir au sein de l’entreprise. En ce sens, nous sommes un partenaire pour construire les situations d’avenir. Nul doute que les métiers l’ont intégré !
LD : Quelle est la différence fondamentale entre structure et organisation ?
Hélène Bengorine : Comme le souligne le sociologue François Dupuy, nous confondons parfois organisation et structure. La structure est l’organigramme, l’organisation est composée d’un ensemble de relations humaines/d’emplois. La réalité s’exerce par ce qui est produit par les collaborateurs plus que par ce qui est prescrit par un organigramme. Ce regard est plus exigeant en termes de temps et de capacité à lire la complexité des organisations. Penser l’avenir d’une activité uniquement par ses aspects de structures basés sur les processus et les outils sans aborder le sujet des compétences et des relations humaines qui composent cette structure ne permet pas à l’entreprise d’embrasser ce dont elle dispose pour assurer sa pérennité. En 2023, nous allons donc former l’ensemble de nos cadres supérieurs à l’approche systémique pour mieux appréhender cette complexité.
« Le sens au travail passe tant par le projet d’entreprise partagé que par la qualité du travail que l’on propose ».
LD : Aujourd’hui les employeurs cherchent LE talent et les employés cherchent du sens dans leur travail. Quel est votre avis sur votre métier et sur son évolution ?
Hélène Bengorine : La fonction RH, comme dit précédemment, fait le lien entre l’économique et le social et en ce sens participe au projet d’entreprise. Le sens au travail passe tant par le projet d’entreprise partagé que par la qualité du travail que l’on propose. Il est alors nécessaire de nourrir l’expérience collaborateur par une offre de services RH qui sert les attentes tant des salariés que de l’entreprise.
LD : On observe depuis quelques années un phénomène de grande démission. Comment réagissent les employeurs ? Que leur conseillez-vous pour rebondir ?
Hélène Bengorine : La grande démission a été perçue aux États-Unis -Unis et je ne suis pas certaine de vivre la même chose à la Mutuelle Générale. Notre taux de démission est de 2,7% comparable aux années précédentes, voire inférieur. Mais le profil de nos démissionnaires a évolué : il s’agit désormais de jeunes collaborateurs qui ont pu exercer leur premier emploi au sein de La Mutuelle Générale et poursuivent ailleurs leurs carrières. Nous sommes confrontés ici à la limite de notre taille (1 900 collaborateurs) et nous pouvons aussi être fiers que l’expérience acquise favorise l’employabilité de nos salariés.
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« Ma conviction est la suivante : la fonction RH continuera d’exister tant que l’humain fera partie des processus ! »
LD : Qu’est-ce qui pousse les gens à faire évoluer leur carrière ? Est-ce une évolution du rapport entre employés et entreprises ou d’autres phénomènes sociétaux ?
Hélène Bengorine : En effet, nous sommes confrontés à des collaborateurs désireux de quitter le salariat pour devenir indépendant. C’est un phénomène qui touche principalement les métiers des technologies de l’information mais pas que … Le métier de recruteur est désormais concerné mais à moindre échelle. Cette nouvelle façon d’exercer son métier correspond à des profils plus indépendants, moins attachés au collectif que constitue l’entreprise.
LD : Pensez-vous qu’avec l’intelligence artificielle et plus généralement l’automatisation, le métier de RH est voué à se transformer ?
Hélène Bengorine : Ma conviction est la suivante : la fonction RH continuera d’exister tant que l’humain fera partie des processus ! En revanche, la proposition d’outils RH, tous, plus innovants les uns que les autres, peut remettre en question nos pratiques actuelles. Et je reste néanmoins convaincue que solutionner par les outils n’est pas l’unique moyen. Le bon sens est le socle de nos actions.
« La confiance est le terreau favorable à l’autonomie demandée par les salariés et donc à leur responsabilisation ».
LD : Vous essayez d’individualiser l’accompagnement que vous exercez auprès des organisations grâce aux nouveaux outils 2.0 RH. Quels sont ces nouveaux outils ? Que permettent-ils ? Qu’est que ça change ? Comment une entreprise peut-elle être attractive et fidéliser ses employés ?
Hélène Bengorine : Je pense sincèrement que fidéliser les employés est important mais il est vain de penser désormais que les employés ne connaîtront, dans leur parcours professionnel, qu’un seul employeur. Il est alors clé de soigner tant l’intégration d’un nouveau collaborateur que son départ ! Il pourra toujours revenir grandi de sa dernière expérience réalisée dans une autre entreprise. La fidélisation passe beaucoup, il me semble, par la qualité du travail que l’entreprise propose. Cette qualité est alimentée tout au long du parcours du collaborateur au sein de l’entreprise.
C’est pourquoi, l’investissement en formation, la qualité de la relation managériale, les avancées sur la qualité de vie au travail sont des éléments fondateurs pour assurer une fidélité des salariés. L’autre élément, qui est plus subjectif, est le sentiment d’être rémunéré à sa juste valeur. Cette perception est souvent la conjugaison entre la qualité des activités menées par le salarié et la qualité de l’environnement professionnel. Travaillons donc ces 2 dimensions prioritairement.
LD : Vous êtes l’une des intervenantes de notre prochaine table ronde sur l’évolution des rapports entre salariés et employeurs. Comment concilier la recherche du sens, d’autonomie et de flexibilité des employés aux attentes des employeurs ?
Hélène Bengorine : La confiance est le terreau favorable à l’autonomie demandée par les salariés et donc à leur responsabilisation. L’open travail, mis en place au sein de La Mutuelle générale est un exemple d’une organisation du travail fondée sur cette relation de confiance. Proposer à ses salariés de ne venir que 4 quatre jours minimum par mois sur site a été audacieux et cela fonctionne ! Pourquoi ? parce que nous avons établi les règles du jeu collégialement avec un fondement clé : ne pas détériorer la qualité de service que l’on doit à nos adhérents. Depuis un an de mise en place de l’Open Travail, nos indicateurs de qualité de service n’ont jamais été aussi hauts ! Enfin, le sens au travail passe par un projet d’entreprise partagé et la qualité du travail proposé. L’Open Travail n’est pas un projet RH mais fait partie intégrante de notre projet d’entreprise « Ensemble 2023 ».
« Le bonheur peut être partout et également en entreprise ! »
LD : Que pensez-vous du bonheur en entreprise ? Est-ce vraiment à l’entreprise d’apporter du bonheur aux gens ?
Hélène Bengorine : Je ne pense pas que le bonheur soit une valeur à partager en entreprise. Le bonheur peut être partout y compris en entreprise. Toutefois, cette dimension individuelle reste aussi très personnelle donc inaccessible pour un employeur !
LD : Quels conseils donnez-vous aux employeurs qui peinent à trouver LE bon employé ?
Hélène Bengorine : Je conseillerai de bien questionner le problème : pourquoi tant de difficultés à trouver le bon Employé ?
LD : Constatez-vous une différence d’approche entre les anciennes et les nouvelles générations concernant le sens du travail ?
Hélène Bengorine : La nouvelle génération a, peut-être, plus de distance que leurs aînés sur la valeur-travail. L’identité professionnelle attachée à l’emploi occupé pèse peut-être moins aujourd’hui qu’hier. En ce sens, le collaborateur peut choisir de sortir du cadre défini par ses études alors que tout le prédestinait à occuper une fonction d’ingénieur ou de cadre commercial. L’exemple des ingénieurs d’Agro Paristech en est l’illustration. Certains décident de vivre de leurs convictions à défaut de rentrer dans un schéma tout tracé du fait de leurs études prestigieuses. Aujourd’hui, il est essentiel qu’une entreprise démontre l’attachement aux valeurs qui lui sont propres plus qu’elle ne les énonce !
LD : Pouvez-vous présenter un point fort que vous allez défendre lors de la table ronde du 7 février au Rugby Club ?
Hélène Bengorine : Le contrat de confiance entre le salarié et son employeur est renouvelé très régulièrement au cours de son parcours professionnel. Il est donc crucial que l’entreprise travaille à nourrir l’expérience collaborateur pour à la fois servir une qualité dans l’exercice de ses fonctions mais aussi une fidélité à l’entreprise. L’entreprise reste le principal moyen pour continuer à apprendre et progresser dans sa profession. Je pense sincèrement que l’expérience salariée est revenue sur le devant de la scène dans une démarche de valorisation de l’offre interne RH en concordance avec la culture d’entreprise pour contrecarrer une concurrence devenue forte.
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