Caroline Loisel – voir son site et sa page Linkedin – , auteure et conférencière n’a pas peur du changement. Après avoir longtemps été en entreprise, l’experte RH a créé sa propre société : Be Birds. Curieuse et en quête d’apprentissage, elle se spécialise dans les nouvelles technologies puis, dans les Ressources Humaines. Caroline Loisel allie aujourd’hui, ces deux domaines de compétences, pour mieux accompagner des grands groupes tels que La Poste, le groupe TF1 et des ETI – Innothera-
Le 20 octobre, elle partagera sa vision de la révolution du sens en entreprise. C’est, en effet, elle qui animera la table ronde de l’événement Futur of Work que les Déviations organisent au Rugby Club, et qui réunira plusieurs experts en la matière et DRH. – Voir le lien du programme et de l’inscription- Si vous faites partie du club Les Déviations, vous pouvez participer gratuitement à cet événement-

“Le changement, c’est mon milieu de vie !”
- Les Déviations : Pouvez-vous me parler de votre parcours en quelques mots ?
- Caroline Loisel : “J’ai déjà un quart de siècle d’expérience de vie professionnelle. J’ai été en CDI pendant 16 ans, dans les domaine du marketing, de la production et du conseil. Avant de monter ma structure. J’interviens avec différentes casquettes comme formatrice, ’ingénieure pédagogique, conférencière, auteure, experte Transfo RH et en transformation digitale auprès des grandes entreprises et des DRH. Pour résumer, je suis centrée sur l’humain au cœur des projets de transformation culturelle et business dans les entreprises. Je travaille au changement car le changement, c’est mon milieu de vie ! “
- Les Déviations : Pouvez-vous présenter un point fort que vous allez défendre lors de la table ronde du 20 octobre : La révolution du sens en entreprise.
- CL : Il y a une injonction faite aux collaborateurs à être engagés. Avant de vouloir avoir des collaborateurs engagés, en tant qu’entreprise, il faut revisiter son propre engagement en tant qu’acteur économique, sociétal, environnemental,… La révolution du sens se joue ici et maintenant. 2022 est un tournant d’autant plus dans un monde changeant, où la recherche de sens est amplifiée. Je suis convaincue que si les entreprises s’ouvrent à des modèles qui les dépassent, qui sont plus grands qu’elles, le sens sera autant inhérent qu’évident.
- Les Déviations : Pourquoi avoir accepté de présenter ce débat ?
- C.L : “Participer à cette table ronde, c’est l’occasion de parler de l’approche « tête, cœur, corps » que j’ai reprise des sciences de l’apprentissage. Nous pouvons imaginer une analogie entre ces trois parties de l’être humain et une entreprise. La tête, c’est la vision business, c’est ce qui est sensé dans un projet collectif. Le cœur, c’est l’humain, le ressenti et la fierté d’appartenance. Le corps, c’est l’action, la capacité à organiser, à se mettre en mouvement et à concrétiser sa vision.“
“Je soutiens tous les projets qui nous sortent d’une vision binaire et linéaire du monde..”
- Les Déviations : Avez-vous été tentée par une déviation à titre personnel ? Pourquoi avoir fait le choix de parler dans notre média ?
- C.L : “J’ai fait ce qu’on appelle une « déviation de statut ». J’étais en CDI puis, j’ai dévié en solo entrepreneure. J’ai réalisé cette déviation pour obtenir plus de liberté de temps, de mouvements, d’action, de paroles. Je trouvais que le milieu de l’entreprise n’était pas juste. J’étais en quête d’apprentissage tous les jours. Je finissais par ne voir que les problèmes, les freins à ma quête. J’ai donc organisé ma vie depuis 9 ans de manière à dévier librement quand j’en ressentais le besoin. C’est la raison pour laquelle, j’ai décidé d’être indépendante. J’ai fait le choix de m’exprimer dans votre média car je soutiens tous les projets qui ouvrent des espaces de dialogue et nous sortent d’une vision binaire et linéaire du monde.”
- Les Déviations :Pourquoi avez-vous choisi de vous spécialiser dans les nouvelles technologies puis dans les Ressources Humaines?
- C.L : “La technologie est venue à moi. J’ai connu la technologie grâce à une déviation par la Culture. Diplômée d’une école de commerce, je voulais travailler dans la Culture. J’ai postulé à une offre de Chef de produit de CD Rom (on était en 1997 !) éducatifs et culturels. Au fur et à mesure, le numérique a été plus fort que la Culture. J’y suis restée parce que c’était une « une ébullition permanente », l’ambiance était très joyeuse et les profils très hétérogènes. Il y avait des étudiants de droit, de Lettres, des graphistes, des développeurs… En ce qui concerne les Ressources Humaines, elles sont venues à moi par le truchement de la formation. Je suis passée de l’enseignement du marketing digital à l’accompagnement à la transformation culturelle des organisations.”
“La quête du sens est surmédiatisée avant d’être une réalité dans les entreprises”
- Les Déviations : Avec la crise du Covid, la quête de sens est devenue d’une importance capitale pour les salariés. Pensez-vous que les entreprises répondent bien à ce nouveau besoin de quête de sens ?
- C.L : “Nous n’avons pas attendu le Covid pour désirer du sens à notre travail. La tendance a toujours existé. Il y a une Une du Philosophie magazine datant d’avril 2013 qui s’intitule « Votre travail a-t-il vraiment un sens ? ». Cette thématique existe depuis une décennie mais le Covid et l’instabilité de notre monde a accéléré et élargi le sujet.” À leur décharge, les entreprises ont autre chose à gérer en ce moment : l’inflation, la pénurie des salariés, le bouleversement du marché à l’Est, dû à la guerre en Ukraine. Aujourd’hui, le sujet du sens est surmédiatisé avant d’être un sujet réel dans les entreprises. Ce sujet revient à nous poser une question fondamentale. « Quel est le véritable rôle d’une entreprise dans la société ? ». Pour cela, l’ouvrage de Pascal Demurger, « L’entreprise du XXI siècle sera politique ou ne sera plus » – Éditions de l’Aube – explique très bien ce que je viens d’illustrer. Le mot « politique », est à entendre au sens de « prendre sa place, s’engager et agir au sein de la cité ».
“À nous d’agir pour faire bouger nos entreprises et pour nous bouger nous-mêmes aussi”
- Les Déviations : Que pensez-vous de la position de Julia de Funès qui estime qu’il ne faut pas tout attendre des entreprises ? – Voir à ce sujet la vidéo de son échange avec Laurent Moisson à Montpellier-.
- C.L : “Cette question, c’est l’éternel sujet entre la responsabilité individuelle versus celle de l’extérieur. Dans la majorité des situations, la co-responsabilité est souvent partagée entre l’individu et son environnement. Je dirai que nous sommes des êtres interdépendants, évoluant dans des entreprises plus ou moins préoccupés par l’humain versus les résultats. À nous d’agir pour faire bouger notre entreprise et pour nous bouger nous-mêmes aussi.”
- Les Déviations : “Qu’est-ce que la quête de sens peut apporter à l’entreprise selon vous ?
- C.L : “La question peut aussi être posée dans le sens inverse. Qu’est-ce que perd une entreprise à ne pas s’interroger sur le sens ? Elle perd toute crédibilité à être un acteur ou une actrice responsable dans ce monde en transition sur les sujets préoccupants pour l’humain et l’humanité.”
- Les Déviations : Quels outils mettez-vous en place pour travailler sur les déviations internes et notamment sur les perspectives d’évolution ?
- C.L “Je travaille sur une meilleure connaissance de soi-même et des autres par effet domino. Je fais notamment appel aux« familles de motivation », méthode empruntée au médecin et thérapeute cognitif et comportemental Jacques Fradin et à « La théorie des valeurs » du psychologue social ShalowShwartz. Ces deux approches permettent de savoir ce qui nous donne de la vitalité et ce qui nous « tient » au monde “.
“Il faut une force mentale et psychique quand on se lance dans un changement de vie.”
- Les Déviations : Qu’est-ce qui pousse les gens à changer de vie ?
- C.L : “C’est un véritable projet de reconstruction. Ce que j’ai pu assez souvent observer et je l’ai moi-même vécu. On comprend qu’on ne peut plus accepter la situation dans laquelle on est. Ça fonctionne par un système de rejet. Par exemple, on se dit qu’on ne peut plus travailler dans de telles conditions. Il y a une notion de souffrance en deçà de notre projet avant même de le commencer. Je dirai même qu’il y a une nécessité à changer de vie. On peut aussi noter une forme de courage physique et psychologique chez les personnes qui dévient. Mais il est important de prendre le temps et de reconnaître que c’est la fin d’un cycle.”
- Les Déviations : Pensez-vous que l’intelligence artificielle redonne du sens en entreprise ?
- “C.L : Oui, la déferlante de l’IA revient à nous poser la question de ce que nous sommes en tant qu’être humain : elle nous interroge sur nos facultés, notre intelligence, notre singularité. Face à ce qu’on peut considérer comme un ennemi, il y a deux postures à adopter. La première est celle du conférencier, Laurent Alexandre qui indique que l’intelligence artificielle finira par remplacer les humains. La seconde position est exprimée par la chercheuse Laurence Devillers,. Elle propose des solutions en posant la question suivante : « Que souhaitons-nous faire de ces machines ? Comment vont-elles nous transformer ?».
“Je travaille surtout sur le contact humain. L’échange humain est le moyen le plus efficace et le plus plaisant à la fois d’apprendre.
- Les Déviations : Comment vous informez-vous sur les grandes tendances en entreprises (100 % télétravail, instaurer le casual day, encourager les projets personnels, pratiquer le slow management). Est-ce que vous mettez certaines pratiques en place pour accompagner les entreprises ?
- C.L : “Je travaille surtout sur le contact humain. L’échange humain est le moyen le plus efficace et le plus plaisant à la fois d’apprendre. Pour accompagner les entreprises, je suis pragmatique. Je teste les propositions si petites soient-elles car je n’attends pas d’avoir la solution complète et parfaite. Sur les sujets de transformation culturelle, il faut aussi accepter d’être sur des temps longs et de commencer par des espaces de dialogues pour identifier et désapprendre nos croyances, nos pensées, et nos façons d’agir réflexe. Pour envisager de faire autrement, il faut d’abord envisager de renoncer à faire comme on a l’habitude” …
- Les Déviations : Vous avez accompagné les organisations sur des sujets de transformation digitale, RH ou culturelle (La Poste, Innothera, Kuehne+Nagel, le groupe TF1,…). Comment gérez-vous l’évolution des compétences (Hard skills, Soft skills) ?
- C.L : “Je commencerai par dire que rares sont les entreprises qui travaillent sur les hard skills et les softs skills en même temps, au sein d’une même expérience de formation. Aujourd’hui, seul le groupe TF1 propose, à ma connaissance, un parcours pour tous les collaborateurs de 3 jours successifs. Cette formation mixe tous les niveaux hiérarchiques et tous les métiers. Ce parcours travaille autant l’acquisition de connaissances business et technologiques que la prise de conscience de nouvelles façons d’être et de collaborer face au changement.
- Les Déviations : la table ronde du 20 octobre prochain va être passionnante à animer…
- C.L. : “oui, je le pense. J’interviens avec un grand plaisir. Le sujet est très inspirant.”
Interview Audrey MAKIESSE
Notre magazine toujours en vente
